Les Arts Tisans

Les Arts Tisans

Approchez, Approchez. Tendez l’oreille.
Plus près oui, encore un peu… voila.
Approchez et venez écouter la première histoire du livre des Arts-tisans.
On ne sort jamais par la fenêtre ? Eh bien faîtes une exception.
Sortez par celle des Possibles et contemplez la richesse de l’imagination et la force de la transmission orale.


La Légende des Masses


Si vous êtes amateur de viande, peut être connaissez vous la réputée boucherie araméthéenne du petit de taille mais grand de réputation Kin Gofa’mher.
Peut être avez-vous même déjà goûté à l’une de ses fameuses entrecôtes de Gambol.
Mais sans doute n’êtes vous jamais resté plus de temps qu’il n’en faut pour faire un achat rapide. Sans doute est-ce du au regard peu rassurant –et pourtant naturel- du tenancier qui vous toise de derrière le comptoir, hachoir en main.
Oh, vous êtes courageux ?
Alors restez dans la boutique car Kin a la langue bien pendue et réjouissez vous car il vous livrera peut être son histoire favorite.
Celle de Kiert Bevian, -confrère boucher tchaë- qui apporta il y a longtemps déjà, sa touche personnelle à la fresque de l’évolution des créations.

Ce fanatique de l’entrecôte, ce « louchebem » comme Kin dirait, tenait une boucherie réputée dans tout Arameth. Une échoppe où la viande était reine et où les laitues faisaient profil bas.
Et c’est précisément dans cette boutique que tout a commencé.

Notre héros était tranquillement en train d’agiter un maillet à viande afin de faire comprendre à une escalope que la finesse était une qualité indispensable, lorsque sa femme décida de devenir la cause d’une cascade d’évènements.
Elle tendit son bras afin de saisir son couteau préféré, sans prendre garde aux mouvements frénétiques de son mari. Kiert ne prenant pas garde à sa femme de manière générale, abattit le maillet.

Et comme l’équilibre se retrouve partout, elle a bien hurlé et lui bien rit.
Mais à quelque chose malheur est bon, car la vision de la main meurtrie déclencha dans la tête du boucher un enchainement de réflexions qui le mena vers l’évidence : les maillets à viande était redoutables !
Redoutables, mais trop petits pour être réellement efficaces.

Heureusement pour le conteur, notre tchaë était loin d’être simplet.
Il cogita jusqu’au petit matin et, alors que la Perle dormait encore, balança ses jambes par-dessus le rebord du lit et se rendit dans son atelier.
Il en émergea un peu après que sa femme l’ait appelé pour le déjeuner.

Son apparition dans la cuisine fait parti de ces moments où l’Epique se sent tout petit.
Torse nu, visage écarlate et marqué par la sueur de l’effort, il se tenait sur le pas de la porte, un sourire béat aux lèvres.
De sa main droite, il tenait le manche du monstre qui du sol, lui montait jusqu’au tronc.

Un maillet titanesque.
Pas une création dont on peut retracer la filiation par homologies ou vague ressemblance.
Non, non. Une réplique, une copie conforme. Mais dix fois plus grande.

Mais il ne pouvait pas sortir en beuglant qu’il venait d’inventer l’arme la plus efficace de Syfaria devant laquelle les rejetons et le S’sarkh lui-même fuiraient.
Heureusement pour lui –et malheureusement pour d’autres, nous allons le voir- le Destin est un grand farceur et devait être de bonne humeur puisqu’il lui donna un petit coup de pouce.

La situation en Arameth était tendue pour les bouchers.
Le prix de la viande allait fluctuant et chacun regardait discrètement les étiquettes de l’autre pour vérifier qu’aucun n’aurait la bonne idée de baisser ses prix.
Marius Celam, boucher de la Perle, était de ceux là.
Et de ce qu’il avait vu, les prix de Kiert étaient trop bas.
Oh pas de beaucoup, mais suffisamment pour lui envoyer son aîné. Gentiment, entre gens de bonne compagnie. Pour discuter.

Je peux vous assurer que personne n’a envie de recevoir un fils de boucher de la carrure de l’aîné en question, surtout sans avoir été prévenu, et au beau milieu de la nuit qui plus est.
Malheureusement, Kiert n’était pas de ceux pour qui le sommeil a un sens. Et encore moins de ceux qui se laissent dicter leur conduite ou leur prix.

La seule chose qui ait filtrée de cette nuit, est ce que certains disent avoir entendu devant la boucherie ce soir là. « Maintenant tu vas remonter tes prix sans faire de rebecca ou gare au rififi. »
Personne n’a jamais revu le fiston Celam.
Mais bizarrement, personne n’a voulu s’attarder sur l’affaire, pas même le géniteur concerné.
Tout comme personne n’est plus allé demander au Bevian de baisser ses prix, ni lui demander des comptes sur l’efficacité de sa création.

Voila où s’arrêterait l’histoire que vous raconterait Kin.
Et si vous êtes vraiment chanceux, peut être regardera t’il dans le vague avant d’ajouter :

"Mais entre nous, même si maintenant on fait dans l’esthétique comme qui dirait, z’êtes pas d’accord que l’aspect maillet à viande devait valoir le coup d’œil ?"

(Elaboré par Cleya Joranum)